Bon voyage

Juste quelques mots pour vous souhaiter un bon voyage dans mes univers parfois un peu étranges.
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mardi 5 février 2008

Amnésie - Chapitre 1

Mes rêves se dissipent peu à peu.
Lentement, je reprends conscience de mon corps. Ma tête est comme prise dans un étau.
J’ai froid.
Ca doit faire des années que je dors tellement je me sens bizarre. Une lumière blanche me brûle les yeux au moment où je les ouvre, et ma migraine se fait plus virulente. En les refermant, j’aperçois une lueur rouge qui filtre à travers mes paupières.
Nouvel essai : très lentement, j’ouvre les yeux. Le monde apparaît tout doucement à travers la barrière de mes cils, les formes se précisent. La lumière est moins blessante et sa puissance diminue encore.
Voilà ce que j’appelle un réveil bien difficile. De mémoire, je n’ai jamais eu de réveil si difficile. En farfouillant plus profondément dans cette mémoire, je m’aperçois d’un fait bien étrange : je ne me rappelle pas m’être couché hier soir. Je mets ça sur le compte d’un cerveau encore dans la mélasse d’un sommeil profond.
C’est étrange, ce lieu ne me dit rien. Je regarde autour de moi. Ce n’est pas ma chambre. Enfin je ne crois pas. Je ne me souviens pas non plus de ma chambre. Qu’est-ce qu’il m’arrive ?
Murs et plafond sont blancs. A ma droite, une machine électronique : les écrans d’un oscilloscope en activité. Juste à côté, un autre appareil : un cylindre de verre dans lequel un sac annelé est couplé à une sorte de ventouse en caoutchouc gris.
Tous ces appareils me rappellent quelque chose mais je n’arrive pas à mettre le doigt dessus.
En tournant la tête de l’autre côté, je sens quelque chose dans ma bouche. Une sorte de tube qui appuie sur ma langue et m’empêche de la bouger. Il a un goût métallique désagréable.
Si seulement je pouvais le retirer ! Mais je ne sens plus mes mains, pas plus que mes bas et et mes jambes.
Bon Dieu mais que m’arrive-t-il ?
Puis je regarde le plafond, j’essaie de me remémorer ce qui a pu m’arriver, comment j’ai pu en arriver là. Mais rien ne vient. Je ne sais même pas qui je suis. Je ne me souviens plus de mon nom.
J’essaie de m’inventer une vie, de trouver un événement plausible qui aurait pu m’emmener dans cet hôpital. Oui, c’est bien ça : un hôpital. Et je suis branché à un électrocardiogramme et à un respirateur artificiel…
Drôle que je sache ça, mais pas mon nom. Et tout ce que j’ai pu imaginer sur moi ne colle certainement que de loin à la réalité.
Une porte s’ouvre quelque part. Je l’entends seulement puis les pas qui résonnent comme si la pièce était en fait un grand hangar. Un visage se penche soudain au-dessus de moi.
– Bonjour, me lance la voix d’une femme.
Je répondrais si le tube que j’ai dans la bouche ne me l’empêchait pas.
– Ne vous inquiétez pas, reprend l’infirmière d’une voix douce, je pense qu’on va pouvoir vous le retirer maintenant que vous êtes réveillé. Je vais chercher un médecin.
Puis elle me laisse seul. Je ne peux même pas dire que je suis seul avec mes souvenirs car je n’en ai pas.
J’ai terriblement sommeil. C’est étrange car je viens tout juste de me réveiller. Et cette douleur qui ne passe pas !
L’infirmière revient peut-être un quart d’heure plus tard, accompagnée par un homme aux cheveux grisonnants. Maintenant je la vois mieux, elle est blonde, cheveux bouclés, yeux verts.
– Bonjour, je suis le docteur Jack Adams, me balance l’homme, je suis neurochirurgien.
Il saisit mes paupières et les ouvre de force avant de s’amuser à passer une lumière aveuglante devant mon œil droit, puis il fait de même sur l’œil gauche. Il éteint sa lampe, tend un index et me demande de le suivre des yeux. Puis, après quelques examens rapides dont il consigne les résultats sur son carnet, il se décide à me parler.
– Ne vous inquiétez pas, vous êtes tiré d’affaire. Je vais maintenant vous retirer le respirateur pour que vous puissiez parler. Vous comprenez ?
Comment pourrais-je faire autrement, bien sûr que je comprends.
– L’intubateur est assez long, dit l’homme. Vous allez certainement le sentir monter le long de votre gorge.
Puis il m’enlève le morceau de plastique de la bouche. Comme il l’avait prédit, un léger chatouillement remonte ma gorge. Et tout à coup je sens comme une libération, je sens que je respire un peu mieux. Mais je ne peux toujours pas bouger ma langue, elle reste paralysée. Je prends une profonde et douloureuse inspiration sous l’œil attentif du médecin.
– Essayez de parler.
Mes lèvres tremblent, j’ai du mal à les soumettre à ma volonté, je n’arrive pas à refermer la bouche. Je déglutis et j’essai de dire quelques mots, j’ai toujours cet arrière-goût de métal sur la langue laissé par l’embout du respirateur.
Mes paroles ne se limitent qu’à des gargouillis, des râles.
– Ne forcez rien pour l’instant. Vous sortez d’un long coma.
Un coma ?
– Je vais vous poser quelques questions, contentez-vous de faire oui ou non de la tête. Vous comprenez ?
Tel un enfant obéissant je baisse un peu la tête, en gémissant.
– Est-ce que vous vous souvenez de ce qui vous est arrivé ?
Je tourne faiblement la tête à droite puis à gauche en laissant échapper un « Hon ! »
– Est-ce que vous vous souvenez de votre nom ?
Même réponse.
– Est-ce que vous savez où vous êtes ?
Je ferme les yeux puis je regarde autour de moi. Je fixe l’homme dans les yeux.
– Un hôhiga.
La bouche ouverte et la langue collée sur la mâchoire inférieure ne m’autorisent pas à prononcer certaines consonnes, mais c’est quand même mieux qu’un râle.
– Guehuis comhien he hemps ?
– Un peu plus d’un mois, me répond-il. Vous avez eu… un grave accident de la route.
Un grave accident. C’était donc ça.
– Votre cerveau a subi de graves lésions. J’ai retiré un caillot de votre lobe frontal. Pendant un moment, votre cerveau a cessé d’être irrigué ce qui a causé des séquelles dans le centre de la mémoire. Vous comprenez ce que je vous dis ?
J’acquiesce en fermant les yeux.
Il soulève les draps et palpe ma nuque, puis mes épaules et mes dorsaux. Ensuite il manipule mes doigts, les tire en arrière. Je ne sens rien. Il prend le triceps dans le creux d’une de ses mains et l’autre main me plie le bras.
– Est-ce que vous pouvez résister ?
J’essaie…
Sans résultat.
– Est-ce que vous sentez quelque chose ?
Je tourne la tête. Une fois à droite. Une fois à gauche.
Il repose le bras par-dessus la couverture et se penche vers le bas du lit.
– Est-ce que vous sentez la pression que j’exerce sur votre jambe ?
Non, encore une fois.
Je ne sens rien du tout. Je n’ai plus aucune sensation, sauf le froid. J’ai toujours cette affreuse migraine qui se fait lancinante.
J’ai peur.
– Ne vous inquiétez, me dit le docteur. Il est normal que vous ne sentiez pas encore vos membres. Vous sortez d’un état comateux de longue durée suite à un accident de la route. Votre cerveau a été endommagé. Mais vous êtes tiré d’affaire. Vous devriez retrouver l’usage de vos jambes. Vous devriez vous reposer maintenant.
– Vous savez, me dit mon infirmière d’une voix douce quand l’homme est sorti, je ne connais pas un meilleur chirurgien que cet homme. S’il y a un homme qui connaît le cerveau humain c’est bien lui. Il a créé une machine il y a quelques années de ça qui lui permettait de prédire l’avenir en quelque sorte. Elle lui permettait de faire des rêves prémonitoires.
Puis elle se tait et me regarde profondément et mélancoliquement. Je me noie dans ses yeux verts avant de m’endormir, je garde cette vision, espérant que mes rêves n’en soient que plus beaux.
Une dernière pensée fulgure dans mon esprit : l’embout du respirateur, il est en plastique ! Comment se fait-il que j’ai toujours cette sensation de sucer un morceau de métal ? Je ne suis pas sûr de vouloir m’attarder là-dessus maintenant, je poserai la question au docteur Adams demain.

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