Une foule de visages tourne dans ma tête comme dans une centrifugeuse. Ma femme, le docteur Adams, Marilyn, les jurés, le juge, l’avocat, les gardes… l’homme que j’ai tué. Le docteur Adams, ma femme et Marilyn arborent une expression triste, mais on y lit aussi de la pitié ; l’avocat affiche un sourire arrogant ; le juge semble s’amuser réellement ; quant à l’homme que j’ai tué – quel est son nom au fait ? – a toujours cette expression de celui qui sait que la mort arrive pour le prendre.
Je suis allongé et des flashs éclatent tout autour. Des hommes et des femmes se penchent sur moi avec leurs gestes lents, se parlent avec leurs voix déformées. Tout se passe comme dans un film au ralenti. Chaque flash s’imprime pendant plusieurs secondes sur ma rétine, m’aveuglant et renforçant ce mal de tête. Le brouhaha incessant tourne dans mon cerveau comme dans un mixeur.
Je me redresse. Personne ne semble y prêter attention. Je tombe nez à nez avec un homme aux épaules larges et au visage puissant. Nous nous observons l’espace d’un dixième de seconde qui semble durer une éternité. Je vois l’incompréhension dans son regard, j’y lis une profonde réflexion puis de la surprise tandis que ses yeux s’arrondissent, et enfin de la terreur. Une terreur véritable. Puis son regard se vide, ses yeux effectuent leur mise au point derrière moi et son visage retrouve un calme apparent.
Je me retourne lentement. Sur ma gauche un homme me regarde avec des yeux tristes. Docteur Adams. Il baisse la tête et s’écarte lentement. Il veut me montrer quelque chose…
Mais je ne peux – ou ne veux – pas voir ce qu’il a à me montrer.
A nouveau les visages organisent une ronde folle.
Maintenant, je suis au bord d’un pont. Un éclair jaillit devant moi et passe à quelques centimètres de mes yeux. Je fais un rapide mouvement d’esquive et je bondis en avant. Je ceinture l’homme qui me menace avec son couteau et le soulève avec rage. Il percute le parapet et bascule dans le vide en agitant les bras, dans un mouvement lent. Et je le regarde tomber. Je ne peux rien faire d’autre. J’ai un mouvement pour le retenir, mais il est déjà beaucoup trop tard. Je vois ses yeux qui expriment la peur, puis qui se vident alors qu’il prend conscience que ce sont là ses derniers instants. Peut-être est-il en train de revoir sa vie.
Un nom me vient à l’esprit : Sébastien… Sébastien Robert.
– Il était temps ! lance une voix.
Je me redresse sur mon lit dans un sursaut.
Ma tête est bien plus douloureuse que d’habitude. C’est une douleur insupportable, comme si un objet était en train de transpercer mon cerveau. Ma mâchoire ne m’obéit toujours pas et ce goût de fer est toujours présent, comme un résident à part entière.
Où suis-je ?
Mes yeux s’habituent peu à peu à l’obscurité. La fenêtre grillagée. La porte blindée plongée dans l’obscurité. Un visage sort de l’ombre et se présente à la faveur de la lune.
– Il était temps que tu te souviennes de moi, reprend l’homme.
Soudain, je le reconnais.
Je veux parler, mais une boule se forme dans ma gorge et m’interdit de prononcer le moindre mot.
– Oh ! Tu te demandes sûrement ce que je fais là, ironise-t-il avec un sourire macabre. Tu te dis que je ne peux pas être là, que tu m’as tué.
Il tourne sur lui-même en écartant les bras.
– Regarde bien. Je suis là !
Puis il rit et le son que produit ce rire est démoniaque.
– Je suis là, répète Sébastien en approchant son visage du mien.
L’odeur de la mort lui colle à la peau.
Je n’arrive toujours pas à parler, mes cordes vocales sont paralysées par la peur.
– Comment se fait-il que je sois là ? me demande-t-il, exprimant à voix haute la question qui me trotte dans la tête. Eh bien, peut-être que tu ne m’as pas tué ce soir-là.
Il me fixe dans les yeux. Tout mon corps en tremble.
– Non. Bien sûr que non. Tu n’aurais pas été jugé dans ce cas-là, hein ? C’est à ça que tu penses ? Et puis ce que t’as vu dans mon regard c’était bien le reflet de la mort. Alors peut-être que tu te mets à voir les fantômes ? Ou bien peut-être suis-je seulement dans ta tête et es-tu en train de m’imaginer ? Tu t’en veux à ce point-là ? Tu te crois vraiment responsable de ma mort ? Laisse-moi te dire que c’est bien toi qui m’as tué. C’est bien de ta faute si j’en suis là où j’en suis.
Je ferme les yeux. Je cherche à me dégager de cette conversation.
– Regarde-moi ! Ouvre les yeux ! Regarde ce que tu as fait de moi ! Ne cherche pas à me faire partir parce que je serai toujours là !
Puis, je fixe ses yeux dans lesquels luit encore la flamme de la mort.
Il sourit, son visage est à moins d’un centimètre du mien mais il ne me touche pas.
– Ou alors, poursuit-il, peut-être es-tu simplement en train de rêver ?
Je me retrouve à nouveau face au docteur Adams. Il s’écarte. Derrière lui, un homme approche et sort de l’obscurité. Un rire sadique franchit aussitôt le seuil de ses lèvres.
Sébastien Robert. Encore lui.
Il pointe son doigt par-dessus mon épaule, désignant quelque chose derrière moi
Et me voilà à nouveau sur le pont. C’est la nuit. Les flaques de lumière éclairent l’allée déserte par zones. Ma femme est à mes côtés. Nina. Elle sourit. Pourtant je sais qu’il va se passer quelque chose. Je n’ai pas envie de voir la suite. Mais ce n’est apparemment pas moi qui choisis.
Une main surgit par derrière et attrape le sac à main de Nina. Mon premier réflexe est de m’emparer du sac. Le voleur se retourne aussitôt et brandit un couteau. Il le fait danser devant mes yeux. Je m’écarte. Je ne fais rien. Je ne peux pas réagir. Je suis comme bloqué.
Et pendant que je reste un simple observateur impuissant, l’action se déroule à une vitesse vertigineuse. Sans réfléchir, ma femme réussit à attraper la main du voleur qui joue du couteau pour se dégager, lui lacérant le visage pour lui faire lâcher prise. J’entends Nina crier, mais elle ne lâche pas le sac assez rapidement. D’un mouvement ample le gars lui tranche la gorge sous mes yeux.
Je la tiens dans mes bras lorsqu’elle rend son dernier soupir et que le criminel prend la décision de s’enfuir. Le sang forme une flaque à mes genoux et le liquide tiède imprègne mon pantalon.
Le monde se dissout dans l’obscurité et l’obscurité cède sa place au docteur Jack Adams et au rire sadique de Sébastien Robert qui m’incite à me tourner.
Ce que je fais pour découvrir Nina aux côtés de Marilyn.
Je suis allongé et des flashs éclatent tout autour. Des hommes et des femmes se penchent sur moi avec leurs gestes lents, se parlent avec leurs voix déformées. Tout se passe comme dans un film au ralenti. Chaque flash s’imprime pendant plusieurs secondes sur ma rétine, m’aveuglant et renforçant ce mal de tête. Le brouhaha incessant tourne dans mon cerveau comme dans un mixeur.
Je me redresse. Personne ne semble y prêter attention. Je tombe nez à nez avec un homme aux épaules larges et au visage puissant. Nous nous observons l’espace d’un dixième de seconde qui semble durer une éternité. Je vois l’incompréhension dans son regard, j’y lis une profonde réflexion puis de la surprise tandis que ses yeux s’arrondissent, et enfin de la terreur. Une terreur véritable. Puis son regard se vide, ses yeux effectuent leur mise au point derrière moi et son visage retrouve un calme apparent.
Je me retourne lentement. Sur ma gauche un homme me regarde avec des yeux tristes. Docteur Adams. Il baisse la tête et s’écarte lentement. Il veut me montrer quelque chose…
Mais je ne peux – ou ne veux – pas voir ce qu’il a à me montrer.
A nouveau les visages organisent une ronde folle.
Maintenant, je suis au bord d’un pont. Un éclair jaillit devant moi et passe à quelques centimètres de mes yeux. Je fais un rapide mouvement d’esquive et je bondis en avant. Je ceinture l’homme qui me menace avec son couteau et le soulève avec rage. Il percute le parapet et bascule dans le vide en agitant les bras, dans un mouvement lent. Et je le regarde tomber. Je ne peux rien faire d’autre. J’ai un mouvement pour le retenir, mais il est déjà beaucoup trop tard. Je vois ses yeux qui expriment la peur, puis qui se vident alors qu’il prend conscience que ce sont là ses derniers instants. Peut-être est-il en train de revoir sa vie.
Un nom me vient à l’esprit : Sébastien… Sébastien Robert.
– Il était temps ! lance une voix.
Je me redresse sur mon lit dans un sursaut.
Ma tête est bien plus douloureuse que d’habitude. C’est une douleur insupportable, comme si un objet était en train de transpercer mon cerveau. Ma mâchoire ne m’obéit toujours pas et ce goût de fer est toujours présent, comme un résident à part entière.
Où suis-je ?
Mes yeux s’habituent peu à peu à l’obscurité. La fenêtre grillagée. La porte blindée plongée dans l’obscurité. Un visage sort de l’ombre et se présente à la faveur de la lune.
– Il était temps que tu te souviennes de moi, reprend l’homme.
Soudain, je le reconnais.
Je veux parler, mais une boule se forme dans ma gorge et m’interdit de prononcer le moindre mot.
– Oh ! Tu te demandes sûrement ce que je fais là, ironise-t-il avec un sourire macabre. Tu te dis que je ne peux pas être là, que tu m’as tué.
Il tourne sur lui-même en écartant les bras.
– Regarde bien. Je suis là !
Puis il rit et le son que produit ce rire est démoniaque.
– Je suis là, répète Sébastien en approchant son visage du mien.
L’odeur de la mort lui colle à la peau.
Je n’arrive toujours pas à parler, mes cordes vocales sont paralysées par la peur.
– Comment se fait-il que je sois là ? me demande-t-il, exprimant à voix haute la question qui me trotte dans la tête. Eh bien, peut-être que tu ne m’as pas tué ce soir-là.
Il me fixe dans les yeux. Tout mon corps en tremble.
– Non. Bien sûr que non. Tu n’aurais pas été jugé dans ce cas-là, hein ? C’est à ça que tu penses ? Et puis ce que t’as vu dans mon regard c’était bien le reflet de la mort. Alors peut-être que tu te mets à voir les fantômes ? Ou bien peut-être suis-je seulement dans ta tête et es-tu en train de m’imaginer ? Tu t’en veux à ce point-là ? Tu te crois vraiment responsable de ma mort ? Laisse-moi te dire que c’est bien toi qui m’as tué. C’est bien de ta faute si j’en suis là où j’en suis.
Je ferme les yeux. Je cherche à me dégager de cette conversation.
– Regarde-moi ! Ouvre les yeux ! Regarde ce que tu as fait de moi ! Ne cherche pas à me faire partir parce que je serai toujours là !
Puis, je fixe ses yeux dans lesquels luit encore la flamme de la mort.
Il sourit, son visage est à moins d’un centimètre du mien mais il ne me touche pas.
– Ou alors, poursuit-il, peut-être es-tu simplement en train de rêver ?
Je me retrouve à nouveau face au docteur Adams. Il s’écarte. Derrière lui, un homme approche et sort de l’obscurité. Un rire sadique franchit aussitôt le seuil de ses lèvres.
Sébastien Robert. Encore lui.
Il pointe son doigt par-dessus mon épaule, désignant quelque chose derrière moi
Et me voilà à nouveau sur le pont. C’est la nuit. Les flaques de lumière éclairent l’allée déserte par zones. Ma femme est à mes côtés. Nina. Elle sourit. Pourtant je sais qu’il va se passer quelque chose. Je n’ai pas envie de voir la suite. Mais ce n’est apparemment pas moi qui choisis.
Une main surgit par derrière et attrape le sac à main de Nina. Mon premier réflexe est de m’emparer du sac. Le voleur se retourne aussitôt et brandit un couteau. Il le fait danser devant mes yeux. Je m’écarte. Je ne fais rien. Je ne peux pas réagir. Je suis comme bloqué.
Et pendant que je reste un simple observateur impuissant, l’action se déroule à une vitesse vertigineuse. Sans réfléchir, ma femme réussit à attraper la main du voleur qui joue du couteau pour se dégager, lui lacérant le visage pour lui faire lâcher prise. J’entends Nina crier, mais elle ne lâche pas le sac assez rapidement. D’un mouvement ample le gars lui tranche la gorge sous mes yeux.
Je la tiens dans mes bras lorsqu’elle rend son dernier soupir et que le criminel prend la décision de s’enfuir. Le sang forme une flaque à mes genoux et le liquide tiède imprègne mon pantalon.
Le monde se dissout dans l’obscurité et l’obscurité cède sa place au docteur Jack Adams et au rire sadique de Sébastien Robert qui m’incite à me tourner.
Ce que je fais pour découvrir Nina aux côtés de Marilyn.
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